En roue libre • Burn-Août. Fabriquer nos outils

« En roue libre » est une série cherchant à diffuser les idées et pratiques de maisons d’édition actuelles proposant un accès gratuit à la lecture. Aujourd’hui : entretien avec Théo des éditions Burn-Août.

Quelques livres et brochures de Burn-Août

Fondation
2020

Localisation
Paris

Distribution
Paon / Serendip

D’où vient Burn-Août ?

« Le collectif a beaucoup évolué. On l’a créé à deux avec Laurent en 2020, il était aux États-Unis et moi à Paris, j’étais encore étudiant aux Beaux-arts. Au début, c’est un projet d’artiste en devenir.

En fait, on essaie de créer un outil politique : c’est pendant les Gilets jaunes. Le nom, c’est en réaction à la tentative d’immolation d’un camarade à Lyon devant le Crous. Mais comme on le fait en étant aux Beaux-arts, ça devient un geste d’artiste qui utilise la forme imprimée comme medium. On fait surtout des fanzines qui circulent dans le milieu de l’art contemporain.

La première année, on s’autoédite avec Laurent, et on édite des anthologies de textes pirates qu’on considère comme des boîtes à outils sur des questions spécifiques. On le met donc naturellement automatiquement en accès libre en pdf.

Quand on publie notre premier roman,Thune amertume fortune d’Eugénie Zély, on se consacre à l’édition d’autres personnes, ce qui nous oblige à penser en termes de contrats.

Quand Fanny arrive, elle ramène sa propre vision de l’édition, pareil plus récemment pour Emma et Yann. Yann travaille sur la question de la collaboration dans l’édition, comment on édite, avec quels outils, pour communiquer, stocker nos fichiers, maquetter… »

À chaque fois, la maison d’édition prend un tournant.

Que publie Burn-Août ?

La collection « Positions d’éditeurices » de Yann et Théo est un laboratoire éditorial expérimental. Son objectif est de mettre en avant des pratiques éditoriales singulières et riches qui nous entourent.

« On fait beaucoup de choses à la main, on est très attachés à la forme, cela nous permet aussi de tisser des liens avec des ateliers d’impression dans plein d’endroits. »

Il est possible de s’abonner pour recevoir toutes les parutions de cette collection.

■■■□□□Parmi les dernières parutions : La morale de la Xerox de Lobregat et Cramer

La collection « 39,5 C° » de Fanny et Emma est consacrée à la poésie queer : comment le corps peut être politique.

« On publie des auteurices quasiment jamais édité⸱e⸱s afin aussi d’aider leur carrière. »

■■■□□□ Parmi les dernières parutions : Hot Wings and Tenders de Marl Brun

Il y a aussi des livres hors collection selon les envies de chacun et chacune.

« On travaille actuellement à décloisonner ces collections très distinctes car cela pose des questions de communication, de demandes de subventions et de vision commune. »

Où lire Burn-Août ?

« Tous les livres sont ou seront en ligne sauf un, pour des raisons de droits musicaux. Actuellement on met en ligne les épreuves qu’on envoie aux imprimeurs mais on développe des nouveaux outils (avec d’autres maisons d’édition) pour lire un texte en ligne sur un reader adapté responsive. Qu’on puisse facilement l’imprimer en A4, en A5 imposé pour faire des livrets à imprimer chez soi.

On essaie d’aller plus loin dans l’accessibilité de nos contenus en ligne, en incluant aussi des questions concernant les malvoyants.

Côté auteurices, on fait des contrats assez classiques avec un pourcentage sur les ventes papier. On est convaincu⸱e⸱s que ce ne sont pas les mêmes publics qui achètent en librairie et qui téléchargent en ligne. Les gens qui vont télécharger vont parler du projet et toucher d’autres personnes. On part du principe que ça ne baisserait pas les ventes. On a commencé en s’inspirant des infokiosques donc pour nous c’est évident, c’est notre ADN.

Des fois, nos profs nous disent : « j’imprime vos tracts sur l’édition et je les distribue aux élèves », et ça a un impact fort. En salon ou sur Instagram, les gens nous envoient des photos des livres qu’elles et ils ont façonnés à partir de ce qu’on a mis en ligne. »

70 % de la production est imprimée en Normandie, 30 % à la main.

Comment ça se passe, au niveau économique ?

« Comment on paie les fournisseurs et auteurices ? C’est une question qui revient à chaque fois. Nous, on est bénévoles. Burn-Août est un bricolage quotidien : quelques financements, principalement de fondations privées d’art contemporain (on a récemment été en résidence au Mudam), une aide du CNL une fois, on fait des workshops, il y a la vente en librairie avec le diffuseur-distributeur Serendip mais c’est surtout pendant le mois de sortie du livre, la vente en festival surtout. On a au début aussi mis de l’argent de notre poche, qu’on se rembourse petit à petit.

Je suis bénévole à temps plein : cela pose question sur la pérennité du projet. J’ai peu d’espoir qu’on puisse se payer sur la vente des livres. Yann fait une thèse sur l’édition et est payé pour ça, moi je suis graphiste donc j’ai des missions freelance à côté, mais pour les autres, ça n’est pas forcément facile…

Avoir un distributeur, ça a été un tournant aussi : ça force à avoir un certain volume, ça nous a appris à faire des argumentaires, avoir un calendrier de parution six mois à l’avance, c’est des choses qu’on continue d’apprendre…

Moi, ça m’a fait beaucoup de bien d’arrêter l’autodiffusion, d’arrêter de courir après les factures. Malgré tout, c’est hyper important pour nous de conserver un aspect artisanal et d’avoir des livres qui circulent dans le milieu de la microédition de mains en mains, sur salons… »

Comment ça se passe, au niveau de la diffusion ?

« On a joué Instagram à fond et ça nous a ouvert plein de portes, c’est très puissant, mais on a conscience de ce que c’est.

On travaille à d’autres canaux de diffusion de notre travail (compte Mastodon, newsletter…). »

Pour le futur : continuer ! 

« Que souhaiter pour l’avenir ? Moins de travail gratuit, un système d’intermittence pour les éditeurices, plus d’outils libres… Mais ce qui est beau dans l’édition indépendante, c’est que c’est un bricolage permanent, on ne sait pas dans quelle direction ça part, donc je ne sais pas trop quoi lui souhaiter à part plus d’argent.

On pourrait dire plus de solidarité mais il y a beaucoup d’entraide, de gens qui se tuent à organiser des festivals, des rencontres.

Du fait qu’il y ait de plus en plus d’éditeurices indés, on prend un poids plus important, les grosses maisons ne sont plus totalement hégémoniques sur certaines questions : continuer comme ça ! »

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